Poèmes

     Jade Vuaillat-Laurent 
in inclus L'écorcée 
SGDL 2018






A Patrice et mes enfants
A Sacha, Chloé, Yann





*

"Un papa absent c'est une lumière éteinte
Un centenaire en paix, un chagrin reposé"


*



*

 

Sous le soleil afghan
La lumière brille sang
Sans fleur, sans foi, sans fard
La lumière brille char

 Sous le soleil afghan
Sans reflet, sang d'orient
Le soleil est poussière
Et nos frères en sang 

Plaies d'orient, feu afghan
Sous les bombardements
Le ciel est décès huit
Mirage sans talent 

Pleure le soleil de sang
Des airs de volcans
Meurt le soleil en sang
Désert d'Afghanistan...

  
Jade Vuaillat 

L'écorcée vive 2023



Lassée d'une terne aurore
Sortie du nid à peine
Elle fît pose sur l'escarpolette
Balança ses plus belles louanges
Et le ciel se fit majorelle
Au bon gré d'une hirondelle...

2017 JLV
in inclus L'écorcée
SGDL 2018



*




La mort du vent

A mon petit Père  


J'avais capté le vent dans le creux d'une main
L'avais entendu geindre, écouté plaindre
Egrener le passé comme mon père le sien,
Des voyages de l'ombre aux élans de lumière
Il souffrait le vent, agonie d'aventures

 Le souffle de mon père ralentissait le pas ;
Grégale soufflotant dans l'âtre d'une vie
Epuisé, me disait sa dernière volonté,
Et mon père qui murmurait encore la sienne
A deux lèvres effacées appelait "la mort !"

Dans le creux d'une main était l'adieu au vent
Attaché à ma chair je le vis s'endormant
J'avais tant aimé cette poignée de grand air !
J'avais tant aimé la beauté de mon père !
La mort l'avait saisi, j'avais saisi le vent...




Jade Vuaillat 2012 ©
In inclus Choliambe n° 56


*

Un peu trop O ?

Toujours j'aimerai lire
Ses O sans rime
Ses rimes sans O

Sa pertinence drôle
Son humour imperméable
Il sera grand mon poète
Toujours...
Irons valser sur ses encres
Les rouge et noirs impertinents
Puisqu'à nos yeux est son talent
Ni fou ni à faire
Juste un peu Tang'O
Un peu trop O ?


in inclus L'écorcée
SGDL 2018

*

Filantes ! 



Avait-il dessiné dans un nuage
Un sourire fiévreux d'Italie
La sensualité d'un rouge baiser
L'univers aux enfants sages

Un soir de sanguine au soleil ?


J'eus envie de me coucher sur la palette
Toucher du doigt les cigales
Au bout des yeux, les étoiles
Et la nuit entière à mes lèvres
Embraser celles de passage

Alors j'ai... 


°



Mélodie en eau de là


Silence blanc des temps
Dérive de musique 
Nuit noire à mi-jour 
Absence illuminée 
En un reflet violent 
Pointé sur la fenêtre de l'hiver

Noyé dans les flaques

Gris tombé sur le parquet 
Vernis mat, fade, 
Saison en mal de soi 
Allant tour d'argent 
Et mots tus 
Écris à l'encre de l'avent

Cachés dans les flaques

Si elles savaient la peine 
Elles laisseraient couler 
L'eau de mes veines 
Et celles de mes poèmes 
En long des roseaux morts 
Au revers de l'hiver

Me noieraient dans les flaques

Elles repeindraient les fanes 
Aux nénuphars d'hier
Et les cris de l'exil 
Enfance innocentée 
En couleur frémissante 
En mal de soie

Noyée dans les flaques

Me laisseraient me pendre
Aux branches du soleil 
Sur le linceul bleu 
Dormir 
Infiniment 
Dans leurs bras décharnés 
Infiniment mourir

Si elles savaient la peine !

Ne laisser sur les draps 
Que les traces de sommeil du chat 
Et l'empreinte de mes rêves épuisés 
Abattus

Noyés dans les flaques

Que se taisent les noires 
Sur le piano du mal 
Que s'élèvent les blanches 
Les anges immobiles
Que sur ma vie se posent 
Les accords de l'ailleurs 

Si elles savent la peine ! 

Et toi que j'aime tant 
Mon cher, ma peau, mon souffle, 
Repeins le silence des temps 
Blancs
Continue à jouer pour mes flaques...


°

D'argile et de plume

  

D'argile, aux coeurs blessés, le givre est sur les fils
L'indicible douleur qui vient d'on ne sait où
Et nous prend à la gorge. Il est âme maussade
Larmes de boue et tripes ensevelies
De plume, aux coeurs légers, c'est l'oiseau sur les fils
Partitions infinies venues d'on ne sait où

D'une saison à l'autre. C'est une âme gracile
Loin de la faim, du froid et des camps de l'adieu !

D'argile ou bien de plume ?
C'est selon la chaleur 

Sur les sables défaits enrubannés de vent
Des mélodies cinglantes où ponctuent les silences

Indispensables autant qu'à la toile garance
De douleur accouchent les mots qu'il nous faut dire

Quand le sommeil chahute au gousset des étoiles
Frappés de révolus et du coeur des miroirs
Où s'inversent les cris... De plume ou bien d'argile ?
*



Jade Vuaillat Laurent

 2014 - Tous droits réservés
© ISBN Revue Choliambe n°63 1er trimestre 2014

L'écorcée




°




Dombes,

capricieuse beauté dans le vent de juin...



Mais si l'orage ?
Mais si le ciel venait à nous surprendre ?
Si le cours d'une Dombes
au vent de juin mi-blond mi-miel
et couleurs d'indécente beauté
entre ombres et lumières couchées
sur les roseaux aux allures frémissantes,
les graminées aux danses sensuelles
leurs fleurs émoustillées en pastel léger,
leurs épis à peine mûrs à l'odeur de fruits tièdes...
Si de cette Dombes
les horizons enchanteurs
à mes sens émerveillés de presqu'été,
dans l'absurdité des souffles d'un mistral

déchainé, enchanté,
en chantant aux étangs délurés

leurs ondes, leur thou, hérons cendrés
dans l'absurdité des souffles d'un mistral
déchainé, enchanté,
si ces horizons se mettaient à chanter l'hallali
du printemps finissant,
son lent trépas ?
Frôlant les blés, caressant les avoines
Si le ciel avait surpris le regard de l'artiste,
est-ce que l'orage, alors... ?

* Jade Vuaillat Laurent
© texte et photos
in inclus "Des blés sur l'écritoire"
Tous droits réservés



*
Quand donc reviendront les roses ?
(2 novembre 2005)
A Gi,
"Que ceux qui savent l'écrive"




° 
Ses mots de soie
Absinthe à coucher sa vie
Calme effervescence
Liqueur pour l'eau de là
Son coeur de sucre
Lumineuses étoiles de moire
En mots d'amour
Adoucir le sel de l'absence
Son coeur de givre
Et dans ses mains
La flamme ultime de la paix.
 Quand donc reviendront les roses ?
° 

L'âme assise sur l'escalier de l'hiver je vais d'amour gris
J'aimerai oublier le fracas des heures sombres sur le mur du silence
Déjà j'essaie de repeindre la musique enflée des adagios
L'espoir c'est quand l'amour va assis sur les cordes des guitares
Et la musique sur ma peau est un souffle de toi,
Un automne avorté...
 °

Des prières versées aux fleurs, je ne sais que l'automne


 Je ne sais plus du jour la nuit, du sombre la lumière


L'aube de mon chagrin se fait diaphane


 Violente tristesse

Quand donc reviendront les roses ?

°
  Jade Vuaillat Laurent
 4 et 15 novembre 2005
© Cahier de poésie Laurent Fels & Joseph Ouaknine


Le baiser

Sur des allées d'hiver que la grâce indiffère
Ils sont des chemins bleus empruntés au hasard
Et des bancs grelottant sous le poids d'un regard

Qu'importe la saison quand le coeur se resserre
ll n'est plus belle fleur que du passant l'égard...

Ni plus doux requiem que cordes de cithare !

Quant au bout d'une danse le givre se lacère
Roulent perles diaphanes à l'envers du miroir
Coulent perles de sang, adieu perle d'ivoire !

Sur les allées d'hiver ne sont point de prières
Mais des baisers de front qu'on voudrait des foulards
Accrochant la tendresse aux lames des poignards

Qu'importe la saison quand le coeur se resserre
Il n'est plus morne vent qu'en fuite un charognard
Ni souffle plus infini que le deuil d'un square !

Sur les allées d'hier que le charme indiffère
Glissez perles diaphanes au revers du miroir
Séchez perles de sang, adieu perle d'ivoire !

 Texte Jade Vuaillat Laurent
Illustration "Le baiser, sculpture de Nizam Güner


© ISBN - Tous droits réservés
Crépuscule vertical
Cahiers de poésie Laurent Fels



*


 P’tit père 




 J'ai, comme à l'habitude,
Avalé un café, fumé une clope
Sorti mon chien, fumé ma clope
Ach'té des clopes, fumé une clope
Posé trois vers, fumé trois clopes
Posé aut' chose - pas fumé d' clope! -
Mangé vit' fait, bu mon café
Fait la vaisselle chantant Jacques Brel
Fumé une clope, relu Prévert
Écrit encore, fumant des clopes,
J’ai réfléchi...

J'ai, comme chaque Novembre,
Bu le champagne, fumé une clope
Y'a pas longtemps, y'a quelques clopes
Mis des bougies, comme des clopes,
Sur un gâteau, ç' en fait des clopes!
J’ai vieilli...

J'ai, comme c'est triste,
Perdu l'ami, fumé une clope
Qu'avait fait qu'ça, fumer des clopes...
Sortait son chien, fumait des clopes
Pariait aux courses, achetait ses clopes
Buvait l'café fumant sa clope.
Avec ses potes autour d'une chope
Ref'sait l'monde, fumait des clopes
Chantait Gainsbar fumant des clopes
L'était si jeune... fumait trop d'clopes,
J’ai pleuré l'Ami...

Jusqu'au cimetière ça sent la clope!
J'ai réfléchi, vieilli, pleuré l'Ami
Et j'ai dit stop !
Donné mes clopes à un plus pauvre
Qui s'réchauffait avec des clopes...
L'est mort l'Ami Stop!

Demain, comme j' dis souvent,
J'avalerai mon café puis j' sortirai mon chien,
Chez l'marchand d'mort j' n'entrerai pas
Et j'en s'rai fière !
Ca s'ra galère, j'aurai les nerfs
Mais j' voudrai faire comme mon P'tit Père
Eteindre un jour
Quatre-vingt trois bougies
Quatre-vingt trois hivers
Comm' mon P'tit Père...
M'a promis d'être centenaire
Centenaire,
Centenaire une cigarette,
Centenaire ou deux peut-être...

Cent ans, P'tit Père !
J' pos'rai ma tête sur ton épaule
Et j'en s'rai fière, fière, fière...
Cent ans, P'tit Père!
Et moi... sans clope, sans clope...
Cent clopes ?...

Le visage des mots "P'tit père"
Jade - 23 Novembre 1996

© Clair de Brume



Avec et Sang

Les bijoux à côté
Ne sont que par Etre
De froides sentinelles
Sculptures sur pierre
A veiller sur les guerres
Assaillants d'antan
As ailleurs aujourd'hui
As de sang
De coeurs en déchirures
As de rien
Zéro qui pique
Les yeux fermés
Aux regards d'enfants
L'innocence
Et la vie

Et pleurent les mères
L'indécence
Se révoltent les pères
En silence
Les bijoux, si tu savais,
N'aident pas à écrire
Le froissement d'émaux.
Bijou de lettres, encre
A rapporter les guerres
Maux seillants
Des canons de l'hiver
Mots d'hier
Et de tous temps
Dictés sous la terreur
Du dictateur
Histoire de taire
Que sur la terre
L'indécence
Est la vie

Pleurent les livres
En silence
Pleurent les bibles
Innocentes
Mais les livres
Sous les bombes,
Si tu savais
Ils ne servent à rien
Les livres
Ils ne résistent pas
A la poudre et aux bruits
Des chars et des canons
Alors c'est les bijoux
De rien qui te diront
La jambe de ton père
La mort de ton frère
Les larmes de ta mère
Et l'histoire d'une terre
Au sable d'ocres rouges

D'un orient en colère
D'un désert sous la guerre
Et peut-être, sais-tu ?
T'appeleront-ils Liberté ?


Jade Vuaillat laurent
© Des blés sur l'écritoire
    Cahiers de Poésie L Fels (Lux)

*


Sous le soleil afghan
La lumière brille sang
Sans fleur, sans foi, sans fard

La lumière brille char
Sous le soleil afghan
Sans reflet, sang d'orient
Le soleil est poussière
Et nos frères en sang
Plaies d'orient, feu afghan
Sous les bombardements
Le ciel est décès huit
Mirage sans talent
Pleure le soleil de sang
Des airs de volcans
Meurt le soleil en sang
Désert d'Afghanistan...

Jade Vuaillat

© 2002 Paille de vers



°





J'irais


Aux souffles vaguelilants
Amande ou maîtresse flamme
J'irais
Soumise aux gestes de la houle
Ses horizons cendrés
Ses invisibles caps
J'irais
Au delà des rives de l'oubli
Tel un gabier de chairs
Noué aux lèvres du vent
J'irais
Envoilée de désirs
Et rêves mélomanes
A la lumière de ses pas
J'irais
Pour peu qu'un cabestan
M'invite à la danse…
Jade Vuaillat-Laurent
© revue Choliambe 2013-60

°
 L'assise




Au temps qui n'a de tant
- Ourlé d'ombre et de fleurs oubliées -
Que celui de nos âges,
Attend l'assise à cueillir rêves
Tourments
.............     Tristement
Au tournant d'un passage
Pour un autre univers
Où je poserai nue
Offrande au soleil,
Où nous vieillirons ensemble

Cerusés de lumière

Un peu bancales

Un peu grisées

Forgées de moults souvenirs

A moins qu'un autre hiver

Vienne me rhabiller

De mortes feuilles

Et fleurs plus fânées que ne suis ?






Jade Vuaillat 2012 © 

in inclus Cahiers de Poésie 2012









Chasse nocturne




"Les rares comme moi qui marchent aux sentiments
Ne tiennent pas longtemps le coup
Y viennent fous
Je veux de l'amour, d' l'amour !"


(R. Charlebois)
Nuit noire.
Pas vu l'ombre d'un ange planer, me faire planer.
Ni un clochard, ni l'idiot du village, personne.
Nuit vierge en somme.
Que son absence est lourde à mes tendres dentelles !
J'aurais laissé passer le sommeil
Que l'attente est épuisante !
Comment dormir en ces temps solitaire
Quand l'amour nous porte depuis si longtemps ?
Et voilà la brume, épaisse, grasse, pas même onctueuse, pas même sensuelle.
Le chant du coq, la brume et ce loriot que je crois être à nicher dans le catalpa.
Plus loin une corne dans la brume
Des conscrits égarés ivres de jeunesse
Comme une claque à nos vingt ans
Et le râle maussade de trois coups de fusil et d'une biche,
Belle comme un dimanche !
Jade Vuaillat Laurent - © 2013
in inclus Cahiers de Poésie


Les dires à mon saule.
© Jade Vuaillat 2013

Dans un manteau d’été qui fait fondre les fleurs
J'anticipe
S’effacent les jardins, se terrent les grillons
Je m’efface
Fruit cueillit, rosier décharné sous les vivaces
Je trace
A mes joues des sillons de printemps
Me maquillent
Le bouleau frissonnant d’or et puis le chêne pourpre
Dicteront mes tourments au saule tortueux
J’édicte
Les années rendues aux horizons dépassés
Je regarde
Mon arbre croître, mes veines se rabougrir
Mon dos, ma peau, mes souffles
Je m’essouffle
Au vent des sèves, au parfum des résines
Soupirs !
Je t’entends me parler d’un futur approchant
Crois-tu que je suis prête ?
Je m’apprête
Crois-tu qu’elles ont tout dit mes lèvres ?
Dis
Crois-tu qu’elles ont tout fait mes jambes ?
J'enjambe
Les mots aux âges de cette poésie
Contagion docile de tripes émouvantes
Je poétise
Et le ferai jusqu’à la dernière lumière
En te disant ces mots que je t’ai si peu dit
Dire
Encore à la fin, ce qu’il fût bon d’aimer
Dire
© Jade Vuaillat 2013
Aux branches tordues de mon arbre
A nos jambes maladroites
Dans la verte campagne, à la pluie,
Sous  la lumière ou dans le givre
Comme il fût beau d’aimer
De vous aimer
Et douloureux le déni d’un enfant
Et comme fût amer l’absence d’un petit
Aimer
Juste leur absence,
Juste ses silences, son élégance
La ressemblance soupçonnée de nos chagrins
Rassembler
Ceux qui m’ont permis amour tendresse
Foi force et conviction
Etre mère et grand-mère avant tout
Et quand nous ne pourrons plus jouer à cache-cache
Qu'à mes lèvres ne restera 
Qu'un tout dernier « je t’aime »,
Sous la longue chevelure de mon saule
J'irai
Me cacher pour pleurer... 

(A l'ingratitude)


Jade Vuaillat laurent - ©
(in inclus "Choliambe n° 61" et L'écorce vive)

De mots


Et les mots se lient
Et les mots se déplient
Et les mots se délient...

Et les mots se relient
Et les mots cela
Et les mots se scient
Et les mots
Les mots
Eh !

Et les mots se touchent
Et les mots m'enivrent
Et les mots s'épousent
Et les mots délivrent
Et je les là
Et je les lis
Et les mots
Les mots
Et...

Et les mots refroidis
Et les mots ficelés
Et les mots enlevés
Dernière touche
Sur les mots

Et les mots s'en vont
Les
Sur les temps blonds
Sur

Mots
Sur les
Que je relis
Que je respire
Que je relie en corps
Qui me transpirent

Mots
Ô sans aime !
Ô que j'm !
Mots qui me délirent
Mots que je redis
A voix haute :
Dites !

Dites-moi
Que je réalise
Eh les mots !
Eh !
Qui osa vous écrire
Merveilleuse passion
Et signer MON prénom ?

Moi ?


Allons bon !!!

*

Jade Vuaillat Laurent
 In inclus "le visage des mots"

  
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